La région de l’Extrême-Nord du Cameroun est en proie à une crise multidimensionnelle depuis 2013, marquée par des attaques sporadiques de groupes armés terroristes (AGDTO). Cette crise, s’inscrivant dans un contexte régional fragilisé, a entraîné des déplacements massifs de populations, des tensions communautaires exacerbées par la raréfaction des ressources naturelles, et une dégradation de l’environnement due aux effets du changement climatique.
Au cœur de cette complexité, les conflits intercommunautaires récurrents, particulièrement dans le département du Logone-et-Chari, mais aussi dans le Mayo-Tsanaga et le Mayo-Sava, sont alimentés par des facteurs structurels et conjoncturels. La pression démographique, l’insécurité rurale croissante et les dynamiques historiques de stigmatisation ethnique contribuent à la raréfaction des terres cultivables et exacerbent les tensions.
Dans le Logone-et-Chari, ces conflits, qui remontent à plusieurs décennies, opposent les Arabes-Choa aux Kotoko, Mousgoum et Massa. Initialement liés à des luttes pour le pouvoir local et des rivalités ethniques, ils ont connu des photos de violence, comme la « guerre civile Arabe-Choa – Kotoko » en 1992. Ces affrontements, bien que sporadiques, persistants, révélant un problème de fond non résolu.
L’exemple de la parcelle de Kawadji, attribuée puis contestée entre Arabes et Mousgoum en 2015, illustre la complexité de ces dynamiques et la difficulté à trouver des solutions durables. Malgré les efforts de médiation, les tensions persistantes, soulignent la nécessité d’une approche globale pour prévenir et résoudre ces conflits.
Confrontés à l’ampleur des défis, les autorités, la société civile et la communauté humanitaire ont intensifié leurs efforts. Ils s’accordent sur le rôle essentiel de la justice, non seulement pour prévenir et résoudre les conflits, mais aussi pour réparer les injustices et les traumatismes subis par les populations. La justice transitionnelle, de plus en plus reconnue comme un outil complémentaire aux systèmes judiciaires traditionnels, offre un cadre adapté pour traiter les violations des droits humains, promouvoir la réconciliation entre les communautés et renforcer la cohésion sociale. L’Union Africaine, à travers sa Politique de Justice Transitionnelle, encourage les États membres à développer des stratégies spécifiques, en impliquant activement tous les acteurs de la société civile.
L’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) pour sa part, joue un rôle clé dans cette réponse, non seulement en coordonnant l’aide humanitaire, en soutenant les populations déplacées, mais aussi en promouvant la réconciliation. Dans ce sens, l’OIM, à travers ses activités de collecte de données, ses évaluations et ses initiatives intersectorielles, contribue à mieux comprendre les dynamiques de la crise et à identifier les mécanismes endogènes de réconciliation durable.
Il apparaît donc important pour garantir une réconciliation durable, de mettre en œuvre une approche holistique, qui puisse aider à briser le cycle de violence et construire une paix durable dans le Logone et Chari particulièrement et dans l’Extrême-Nord du Cameroun en général.
Cette approche consisterait à :
- Ressortir les exactions du passé pour satisfaire aux besoins de vérité, de justice et de réparation ;
- Mobiliser les communautés à travers le théâtre participatif pour permettre l’expression d’émotions, une ouverture sur des situations lourdes à porter et dans des conflits entre personnes et communautés ;
- Faire la lumière sur les crimes et faits sociaux poignants en vue d’établir les responsabilités ;
- Formuler des recommandations à l’endroit des pouvoirs publics pour des réformes institutionnelles qui permettrontient d’assurer la non-répétition de la crise et afin d’instaurer la confiance entre les communautés et les institutions étatiques.
À la lumière de ce qui précède et dans une perspective de réaliser de nouveaux progrès vers la réussite du processus de consolidation de la paix et de la réconciliation dans la région de l’Extrême Nord, l’OIM recherche ainsi les services d’un consultant national en justice transitionnelle, qui appuiera ce processus en vue de son opérationnalisation.
OBJECTIFS DE LA MISSION :
Sous la supervision générale du Manager de Projet et la supervision directe du Chargé de projet National DDRR, le Consultant national apportera un appui technique dans le processus de mise en œuvre de la justice transitionnelle dans le département du Logone et Chari, notamment dans les zones touchées par les conflits intercommunautaires et la crise sécuritaire liée à Boko Haram afin d’identifier les mécanismes accordés pour une paix durable.
Les tâches énumérées ci-dessous feront l’objet d’un examen continu et, le cas échéant, seront modifiées lors de la consultation entre le consultant et l’OIM.
Objectif de la consultation
La mission du Consultant vise à redynamiser les mécanismes communautaires de réconciliation et de renforcer le rôle des OSC dans le processus de consolidation de la paix dans la Région de l’Extrême-Nord. L’analyse socio-anthropologique des représentations qui se font les populations des mécanismes de réconciliation durables serviront à s’assurer que tout mécanisme identifié et toute proposition d’amélioration sont ancrés dans la culture.